L’attentat sur la plage de Bondi, à Sydney, est le sommet d’une vague d’antisémitisme en Australie
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https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/0cc6e481-cff1-428c-bc33-eb364fafc17e/medium"/>Deux tireurs ont tué 16 personnes dimanche dans une foule réunie sur la plage de Bondi, à Sydney, pour célébrer la fête juive de Hanoukka. Une attaque terroriste qui s’inscrit dans une multiplication d’actes antisémites en AustralieDimanche soir, la plage de Bondi, à Sydney, la plus connue d’Australie, était bouclée par la police et le sable encore jonché d’objets abandonnés par la foule. Sur les images des webcams qui montrent habituellement la taille des vagues pour les surfeurs, on voit les gens courir à toutes jambes quand ils comprennent que les détonations ne sont pas des feux d’artifice. Selon des images filmées par des témoins, deux hommes vêtus de noir et le visage découvert ont tiré sur un parc en retrait de la plage. C’est là que la communauté juive de la ville était réunie comme tous les ans pour célébrer la fête de Hanoukka, dite des «lumières», qui marque le renouveau du culte juif après le retour au temple de Jérusalem.Postés sur un pont enjambant le parking, les deux tueurs étaient armés de fusils, sans doute semi-automatiques. Ces armes font des ravages lors de tueries de masse aux Etats-Unis. Une épidémie contre laquelle l’Australie se croyait à l’abri, le pays s’étant doté d’une législation de contrôle des armes bien plus sévère après une tuerie encore plus meurtrière à Port Arthur, en Tasmanie, en 1996. Les deux hommes en noir ont ouvert le feu à 18h45 (heure locale), rapporte le Chabad. Ce mouvement juif orthodoxe organise chaque année la fête de Hanoukka à Bondi Beach, un événement qui attire des milliers de personnes au milieu de l’été austral. Le Chabad rapporte que son rabbin, Eli Schlanger, fait partie des victimes.
Héroïsme
L’un des deux tueurs est ensuite descendu du pont. Selon des images devenues virales, un homme, caché entre deux voitures, l’a alors ceinturé. Il a même réussi à lui arracher son arme. Ce «héros», comme l’a immédiatement qualifié le premier ministre australien, Anthony Albanese, a mis en joue l’assaillant contraint de reculer, pendant que son complice continuait de tirer depuis le pont.Cet homme, qui a évité que le bilan soit encore plus lourd que les 16 victimes et 39 blessés pour l'instant rapportés, a été identifié comme étant Ahmed al Ahmed, un vendeur de fruits de 43 ans. En s’interposant, il a été blessé par balles. Les deux tireurs ont par la suite été neutralisés par la police. L’un fait partie des 12 personnes tuées et l’autre a été grièvement blessé. La police a trouvé des explosifs dans un véhicule utilisé par les deux tueurs.
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L’un des tireurs s’appelle Naveed Akram. Il habite à Sydney. L’identité de l’autre tueur n’est pour l’instant pas connue. Les autorités australiennes ont rapidement qualifié cette tuerie d’acte terroriste et antisémite. «Une attaque contre les juifs australiens est une attaque contre les Australiens», a déclaré le premier ministre, Anthony Albanese. Et de promettre que l’Etat protégerait la communauté juive.
«Il faut des actes»
Des mots qui offrent peu de réconfort à la communauté juive en Australie. «Nous saluons les déclarations fortes et leurs promesses d’éradiquer le poison de l’antisémitisme», a réagi, dans un communiqué, le Conseil exécutif des juifs d’Australie (ECAJ), qui représente toutes les tendances de la communauté juive en Australie, soit environ 120 000 personnes. La plupart d’entre elles résident à Sydney ou à Melbourne. «Il nous faut des actes et un leadership pour mettre fin à la vague d’antisémitisme que connaît l’Australie. Cela fait trop longtemps que nous le réclamons. Le premier devoir du gouvernement est de protéger ses citoyens», rappelle l’organisation.Depuis le massacre commis par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza qui a suivi, la communauté juive australienne dénonce une explosion des actes antisémites. Cette tendance est globale mais elle n’est nulle part ailleurs plus préoccupante qu’en Australie. Début décembre, l’ECAJ publiait ses derniers chiffres. D’octobre 2024 à septembre 2025, l’organisation a répertorié plus de 1600 actes antisémites, cinq fois plus qu’avant 2023. Dix-huit attaques particulièrement graves ont été recensées, dont l’incendie d’une synagogue à Melbourne, en décembre 2024, ou celui d’un magasin de nourriture casher, déjà dans le quartier de Bondi, à Sydney, en octobre 2024.
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En janvier de cette année, une caravane bourrée d’explosifs a été découverte par hasard à Sydney et, selon la police, visait à être utilisée contre des lieux fréquentés par la communauté juive. Les enquêteurs ont lié certaines de ces attaques, en particulier l’incendie de la synagogue et du magasin casher, à l’Iran. En conséquence, l’Australie a expulsé plusieurs diplomates iraniens et classé les Gardiens de la révolution, l’armée idéologique de Téhéran, comme organisation terroriste.Dans son rapport de décembre, l’organisation représentant la communauté juive alertait aussi sur les manifestations contre la guerre à Gaza, ce qu’elle appelle le «mouvement contre Israël». Elle dénonçait, par exemple, les amalgames entre sionisme et nazisme ou la remise en cause par certains manifestants du droit à l’existence d’Israël.
Appel à un sursaut
«L’antisémitisme a quitté les franges de la société pour être normalisé et pour prospérer dans les universités, dans les espaces culturels ou sur les lieux de travail. Dans un tel environnement, les juifs d’Australie craignent pour leur sécurité et leur bien-être», mettait en garde Daniel Aghion, président de l’ECAJ, au moment de présenter ces chiffres inquiétants. Il accusait les autorités de ne pas prendre assez de mesures contre l’antisémitisme. Parmi les condamnations internationales unanimes de l’attentat de Bondi Beach, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, disait avoir prévenu son homologue australien que sa politique «jetait de l’huile sur le feu antisémite». Il faisait référence à la reconnaissance récente de l’Australie d’un Etat palestinien.
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Après cette tuerie, la presse australienne appelle au sursaut, à l’instar du Sydney Morning Herald: «Nos dirigeants ont laissé se banaliser un antisémitisme insidieux, comme s’il s’agissait d’un effet secondaire acceptable des divisions au sein de la société quant au bien-fondé de la guerre à Gaza.»
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